013- Emprisonné pour une chanson…
Cette semaine, je suis tombé sur un événement curieux qui s’est passé à Montréal au début du XVIIIe siècle. Un dénommé Jean Berger a été emprisonné pour avoir… écrit une chanson.
En réalité, il était déjà en prison, car on l’avait faussement accusé d’avoir battu un homme en compagnie d’un complice. On l’a gardé plus longtemps en prison, on lui a imposé une amende et une peine de carcan parce qu’il avait eu la mauvaise idée d’écrire ladite chanson qui dénonçait certaines personnes de la ville.
Voici, d’ailleurs, la transcription de la chanson :
«Approchez tous petits et grands
Gens de villemarie
On va réciter a présent
Cette chanson jolie
Que l’on a fait sur ce ton-là
Afin de vous mieux réjouir
Le beau jour de la St-Mathias
Le pauvre St-Olive
Rencontra devant l’hôpital
Deux inconnus boudrilles
Qui chacun avec un bâton
L’ont fait danser bien malgré luy
À chaque coup qu’on lui donnait
Ce monstre de nature
Criait Messieurs épargnez moy
Car il fait grand’ froidure
Et je vous demande pardon
De moy Messieurs faites mercy.
Après qu’on l’eut bien bâtonné
lIs l’ ont laissé par terre
Et luy à peine s’est-il retiré
Chez luy bien en colère
Criant d’un pitoyable ton
On m’a mis le dos en charpy.
Sur leur bonne conscience
Nous étions tous dans nos maisons
Comme l’on battait ce chetty.
II envoya quérir soudain
Messieurs de la justice
Donnant l’argent à pleine main
Pour que l’on les punisse
Les messieurs ont dit sans façon
Dans la prison ils seront mis.
Le lendemain de grand matin
On voit agir sans teste
Tous les huissiers la plume en main
Pour faire des requettes
Donnant forces assignations,
À gens qui étaient dans leur lit.
Aussytost tous les assignés
S’en vont tous à l’audience.
C’était pour être interrogé,
Sur leur bonne conscience
Nous étions tous dans nos maisons
Comme l’on battait ce chetty.
Ceux qui auront plus profité
De ce plaisant affaire
Messieurs les juges et les greffiers
Les huissiers et notaires
lIs iront boire chez Lafont
Chacun en se moquant de luy.
Et toi mon pauvre Dauphiné
que je pleure ta misère
De t’aitre laisse battonner
Sans pouvoir les reconnaitre.
II t’en coutra de tes testons
Sans le mal que tu peux souffrir
Pour moy je déclare et conclus
Que s’y l’on me demande
Que si non content d’être battu
II y payera l’amende
Par ses fausses accusations;
Le tout pour lui apprendre à mentir. » !
Note : J’ai changé les accents, mais j’ai laissé quelques erreurs d’orthographe propres à Jean Berger.
Pour en savoir plus :
• BOYER, Raymond, Les crimes et les châtiments au Canada français, Ottawa, Le Cercle du Livre de France, 1966, pp. 429-430
• MASSICOTTE, Édouard-Zotique, Faits curieux de l’histoire de Montréal, Montréal, Beauchemin, 1924, pp. 38-44
RHEAULT, Marcel J., La médecine en Nouvelle-France : les chirurgiens de Montréal (1642-1760), Montréal, Septentrion, 2004, 334 p. (pages sur Claude le Boiteux de Saint-Olive : 292-294)
• ROY, Pierre-Georges, Bulletin de recherches historiques, 1920-21, vols. 26-27
La copie de la chanson se trouve :
• Jugements et deliberations du Conseil Souverain, vol. V, p. 1025
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