063 – Une pendaison sur le Saint-Laurent – 104 histoires de Nouvelle-France - La radio Internet de la Nouvelle-France

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063 – Une pendaison sur le Saint-Laurent

Pendaison sur le Saint-Laurent en Nouvelle-France

En 1663, une semaine à peine après la création du Conseil souverain, un capitaine de vaisseau a défié les autorités en exécutant un prisonnier devant la ville de Québec, sur le fleuve Saint-Laurent.

L’histoire commence par une tragédie sur l’île de Terre-neuve.

À l’hiver 1663, le gouverneur de Plaisance, son frère et l’aumônier ont été attaqués en pleine forêt pendant une partie de chasse. Le gouverneur et son frère ont été tués, mais l’aumônier, lui, a réussi à s’enfuir.

Et ceux qui les ont attaqués c’étaient leurs propres hommes. Ce n’était pas des corsaires anglais comme on aurait pu le croire.

Malheureusement, on ne sait pas ce qui les a poussés à faire ça. Tout ce qu’on
sait, c’est qu’une fois retournés à Plaisance, c’était la débandade totale ! Ils ont pillé et ils ont bu tout ce qu’ils pouvaient ! Et à la fin, ils sont mis à se battre entre eux.

Si bien que on ne sait pas combien ils étaient au début, mais à la fin, ils étaient environ une quinzaine.

Quelques jours plus tard, l’aumônier, qui mourait de faim en pleine forêt, est revenu au fort. Mais les rebelles lui ont tranché la tête avec une hache et ils lui ont coupé les mains.

Aussitôt qu’ils ont pu, au printemps, les rebelles ont tenté de rejoindre les installations anglaises sur l’île de Terre-neuve parce qu’ils savaient très bien ce qui les attendait si les Français les attrapaient. Mais à chaque fois, ils ont fait naufrage et ils ont été obligés de revenir Plaisance.

Et il avait raison d’avoir peur…

Au mois de septembre 1663, un vaisseau français est arrivé à Plaisance. Quand le capitaine a appris ce qui s’était passé, il n’a fait ni une ni deux : il fait arrêter les rebelles, les a fait monter sur son vaisseau, ensuite direction Québec pour les juger !

Pour gérer des situations comme celle là dans un pays, c’est important de pouvoir compter sur
des institutions stables, surtout en matière de justice.

Malheureusement en Nouvelle-France, c’est justement ce qu’on n’avait pas à ce moment-là.

Avant 1663, la Nouvelle-France fonctionnait sous un système de partenariat public-privé (un PPP). Elle était administrée par la compagnie des Cent-Associés au nom du roi de France.

Mais il ne faut pas se tromper : c’était réellement une entreprise privée ! On aurait pu appeler ça la « Compagnie des Cent-Actionnaires» que ça aurait fait la même affaire (quoi que avouons-le : la compagnie des Cent-Associés, ça sonne mieux!).

Quand Louis XIV est monté sur le trône, il a décidé de laisser tomber le PPP. Pour lui, l’aventure des Cent-Associés c’était un échec.

Il a décidé de créer une administration qui relèverait directement de lui : le Conseil souverain. Mais un changement aussi gros dans l’administration d’un pays, ça se fait pas en criant « ciseau ! ».

Et disons que la tragédie qui s’est passée à Terre-neuve, bien, c’est peut-être arrivé à un mauvais moment pour le conseil souverain.

Pour vous donner une bonne idée : le vaisseau dont j’ai parlé jusqu’à maintenant faisait, en fait, partie d’une flotte de deux vaisseaux qui étaient arrivés de France et qui s’étaient séparés dans le Golfe du Saint-Laurent. Et l’autre vaisseau, le navire amiral, avait continué jusqu’à Québec avec à son bord l’évêque et aussi le nouveau gouverneur général chargés tous deux de créer le conseil souverain de la Nouvelle-France.

Ce n’est pas comme si les nouveaux administrateurs de la Nouvelle-France ont vraiment eu le temps de se préparer : à peine arrivés à Québec, ils ont dû tout mettre en place et créer le conseil souverain de la Nouvelle-France et une semaine plus tard déjà, ils sont aux
prises avec une quinzaine de rebelles qui ont assassiné le gouverneur de Plaisance !

Quand le vaisseau est arrivé à Québec, autour du 22 septembre 1663, les prisonniers ont été transférés dans le vaisseau amiral, commandé par le capitaine Gargot.

Le capitaine Gargot a ensuite demandé aux autorités de Québec d’envoyer des officiers à bord pour pouvoir juger les rebelles. Mais les autorités de Québec avaient autre chose en tête. Ils ont exigé que le capitaine Gargot leur remette les prisonniers afin qu’ils puissent être jugés par le conseil souverain.

Mais pour le capitaine Gargot, il n’en était pas question.

Il a réuni les officiers des deux navires et il a organisé un procès selon et je cite : « les
formalités de la justice maritime ».

Malheureusement, on n’est pas les détails du procès. Tout ce qu’on sait, c’est que deux hommes seulement ont été condamnés.

Le premier, le meurtrier de l’aumônier, a été condamné à avoir les mains coupées, à être pendu et à être brûlé.

Et l’autre a été condamné à servir de bourreau.

Finalement, le capitaine Gargot a fait construire un énorme radeau sur le fleuve Saint-Laurent, en face de la ville de Québec.

C’est là que l’exécution eu lieu, sous le regard impuissant des nouveaux administrateurs de la Nouvelle-France.

J’aimerais bien vous dire que le capitaine Gargot a regretté son geste et qu’il a été puni, une fois rentré en France.

Mais, en fait, pas du tout.

On l’a plutôt envoyé en mission en Suède, d’où il est revenu malade et il est mort quelques mois plus tard.

Mais pour les membres du conseil souverain, j’ai l’impression que ça a été un coup dur. Parce que si on retrouve dans les archives l’ordre donné au capitaine Gargot de faire descendre les hommes à terre, et bien, après… plus rien.

Rien sur l’exécution, comme si en n’en parlant pas, c’était pas arrivé…

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