Les MOÉ et les TOÉ en Nouvelle-France – 104 histoires de Nouvelle-France - La radio Internet de la Nouvelle-France

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Les MOÉ et les TOÉ en Nouvelle-France

En Nouvelle-France, on prononçait « moé » et « toé » et non pas « moa » et « toa ». Mais ce n’est pas parce qu’ils parlaient mal, au contraire, parce que c’était réellement la bonne façon de prononcer ces mots-là en français. 

Comment on fait pour le savoir? 

Pendant plusieurs siècles, il y a eu de grands débats, en France, sur ce qu’était « la » bonne façon d’écrire en français (et oui, à ce moment-là, il y avait déjà des débats sur la nouvelle orthographe) !

Au fil des siècles, la langue française avait évolué et on s’est rendu compte qu’on ne prononçait plus toutes les lettres dans les mots, comme on le faisait avant. Il y a des gens qui se sont mis en tête de trouver une nouvelle façon d’écrire qui soit plus efficace et surtout, qui soit plus simple.

Certains auteurs proposaient simplement d’ajouter des symboles pour distinguer les sons. D’autres sont allés plus loin, comme Honorat Rambaud qui, en 1578, a proposé un nouvel alphabet typiquement français… 

Alors, qu’est-ce que ces auteurs nous disent sur le « moi » et le « toi »?

Ils nous disent que règle générale, les lettres « oi » doivent se prononcer « oe ». Il y a quelques exceptions, bien entendu, mais c’est une règle générale.

Au XVIe siècle, environ 30 ans après que Jacques Cartier soit venu pour la première fois en Nouvelle-France, Pierre de la Ramée écrivait toujours « oe » à la place de « oi », comme dans le verbe « avoer » et la grammaire « francoeze ». Or, à la page 27 de son livre, on peut clairement lire « moe » et « toe ».  

Au XVIIe siècle, environ 50 ans après la fondation de Québec, Laurent Chifflet nous apprend que les mots « soir », « Roy » et « moi » doivent se prononcer « soair », « roet » et « moet ». 

Au XVIIIe siècle, moins de 10 ans avant la fin de la Nouvelle-France, Claude Buffier, sans parler explicitement des mots « moi » et « toi », nous dit qu’on doit prononcer les lettres « oi » en « oe ». Donc, de toute évidence, pour lui, on doit dire « moé » et « toé ».

Mais, et j’en avais parlé tantôt, il y a quand même quelques exceptions.

Plusieurs auteurs disaient que les verbes à l’imparfait devaient se terminer en « è », comme « j’étais ».

Il y a aussi des exceptions pour le nom des peuples et des nations. Pour la France, l’Angleterre, on devait dire « françè », « anglè ». Pour d’autres endroits, comme la Suède, on devait continuer à dire « suédoès ».

Pourquoi? J’avoue que c’est pas trop clair. 

Des mots comme croire ou noyer, se prononçaient « crère » et « nèyer » dans le langage familier, c’est-à-dire le langage de tous les jours, mais devaient se prononcer « croère » ou « noèyer » dans des discours officiels. 

Il fallait surtout éviter de dire « croare » ou « noayer ».  

Cela étant dit, au XVIIIe siècle, ça commençait à changer et la prononciation en « oa » n’était pas seulement utilisée par des paysans de la région de Paris, mais aussi par des gens d’une certaine classe, comme les notaires et les avocats.

En Nouvelle-France comment c’était? 

Et bien, tous les témoignages qui nous sont restés sont formels : en Nouvelle-France, on parlait le français de la bonne façon et sans accent. 

« On peut envoyer un opéra en Canada, et il sera chanté à Québec, note pour note, sur le même ton qu’à Paris. Mais on ne saurait envoyer une phrase de conversation à Montpellier ou à Bordeaux et faire qu’elle y soit prononcée, syllabe pour syllabe, comme à la Cour » (Thoulier d’Olivet, Traité de la prosodie françoise, 1750). 

Puisque la règle générale, selon les grammairiens de l’époque, était de prononcer les lettres « oi » en « oe », je n’ai aucun doute que les habitants de la Nouvelle-France prononçaient « moé » et « toé ».

NNF

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