Les rues sales de la Nouvelle-France – 104 histoires de Nouvelle-France - La radio Internet de la Nouvelle-France

Des histoires qu'on ne trouve pas dans les livres d'histoire...

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Les rues sales de la Nouvelle-France

Aujourd’hui, je vous conseille de vous protéger pour écouter la capsule, parce que ça ne sent pas bon!

Marcher dans les rues d’une  ville, en Nouvelle-France, c’était comme se promener dans un égout à ciel ouvert.

Ça puait! Il y avait des déchets partout!

Oubliez les poubelles : ça n’existait pas! Les poubelles ont été inventées  en 1882 par un certain Eugène Poubelle.

Oubliez la collecte des ordures : il n’y en avait pas non plus! Il y a bien eu une tentative d’instaurer un service de collecte des ordures en 1701 dans la basse-ville de Québec, mais, visiblement, ça n’a pas duré très très longtemps…

C’était la responsabilité de chacun d’aller porter ses ordures à un endroit qui ne dérangerait personne. Malheureusement, la plupart des habitants préféraient les laisser tout simplement dans la rue….

Certains, plus consciencieux à prime abord, plaçaient leurs ordures sur le bord de leur maison. Et ils le faisaient de façon à ce que, éventuellement, ça se retrouve chez le voisin.

D’autres encore, à Québec, allaient porter leurs ordures sur la plage, à marée basse. Le problème avec cette solution, c’est qu’il y en avait tellement, que ça nuisait à la 

navigation.

«Les immondices, décombres et vidanges de maison que l’on continue de jeter sur les grèves les gâtent entièrement et empêchent les bâtiments, chaloupes et canots d’aborder facilement au port.» – Gilles Hocquart – 26 avril 1739 – « Arrêts et réglements du Conseil supérieur de Québec, et ordonnances et jugements des intendants du Canada », Québec, E.R. Fréchette, 1855, p. 380

En 1750, l’intendant Bigot s’est rendu à l’évidence : il était peut-être inutile de tenter de forcer les habitants de Québec à aller porter leurs ordures en dehors de la ville. Il a donc proposé un compromis :

« Il conviendrait beaucoup mieux de les mettre au bout de la rue Saint-Pierre, où les débarquements ne sont pas si fréquents, ce qui contribuerait d’autant à l’agrandissement du port de ce côté-là. » – François Bigot – 17 mai 1750 – « Arrêts et réglements du Conseil supérieur de Québec, et ordonnances et jugements des intendants du Canada », Québec, E.R. Fréchette, 1855, p. 403

Dans les ordures, on trouvait, bien entendu, des restes de table. Tout ce qu’on n’avait pas mangé ou qu’on n’avait pas donné à manger aux animaux, on le jetait dans la rue. Et comme plusieurs habitants élevaient des animaux dans leur cour, pour se débarrasser du fumier, le meilleur endroit, c’était la rue.

Et il y avait aussi des déchets commerciaux. Les jours de marché, les bouchers arrivaient avec des animaux vivants qu’ils tuaient sur place.

« Et pour empêcher l’infection  que causent leurs tueries, les dits bouchers serons tenus de faire enlever et porter à basse marée les fumiers et vidanges des bestiaux qu’ils tueront, et de laver et nettoyer tellement les autres immondices des dits bestiaux qu’ils ne causent dans le lieu de leurs tueries ni aux environs d’icelle, aucune puanteur à peine de 10 livres d’amende.» – Raudot – 1er février 1706 – « Arrêts et réglements du Conseil supérieur de Québec, et ordonnances et jugements des intendants du Canada », Québec, E.R. Fréchette, 1855, p. 136

Mais il y a un autre type de déchets dont il faut tenir compte.

Tout au long de l’histoire de la Nouvelle-France, les autorités ont publié des ordonnances pour obliger de construire des maisons avec des toilettes.

« Il est enjoint à toutes personnes qui feront bâtir à l’avenir des maisons en cette ville, d’y faire des  latrines et privées …» – Jacques Duscheneau – 2 février 1686 – « Arrêts et réglements du Conseil supérieur de Québec, et ordonnances et jugements des intendants du Canada », Québec, E.R. Fréchette, 1855, p. 66

Malheureusement, elles étaient peu ou pas utilisées… On faisait ce qu’on avait à faire dans des pots de chambre qu’on vidait par la fenêtre. Et si, en marchant dans la rue, on ne faisait pas attention, et bien,… je vous laisse deviner….

Et ce n’est pas un mythe urbain! Il nous est resté des témoignages de gens qui, en marchant dans la rue, ont reçu le contenu d’un pot de chambre sur la tête.

Comme en 1733, Jean-Baptiste Chaussé dit Lemaine qui a intenté une poursuite contre Charles Turgeon exactement pour cette raison.

On pourrait penser qu’éventuellement, on arriverait à s’habituer à une telle odeur. Mais en lisant les sources, ça ne semble pas être le cas.

À chaque fois qu’on publie une ordonnance, que ce soit pour construire des toilettes, nettoyer les rues, ou aller porter les ordures ailleurs, on prend soin de mentionner à quel point l’odeur est insoutenable!

«… afin d’éviter l’infection et la puanteur que ces ordures apportent lorsqu’elles se font dans les rues…» – Jacques Duscheneau – 2 février 1686 – « Arrêts et réglements du Conseil supérieur de Québec, et ordonnances et jugements des intendants du Canada », Québec, E.R. Fréchette, 1855, p. 66

Les autorités avaient beau publier ordonnance par dessus ordonnance pour tenter d’obliger les habitants à nettoyer les rues devant leur maison, mais visiblement, ça ne marchait pas.

NNF

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